Discours de la Présidente von der Leyen à la plénière du Parlement européen sur les conclusions du Conseil européen d’octobre et sur la situation en Biélorussie et à sa frontière avec l’Union européenne

Bruxelles, le 23 novembre 2021
« Seul le texte prononcé fait foi »

Chers Président Sassoli,

Président Michel,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Comme à tous les Conseils européens de ces derniers mois, notre premier sujet de discussion a été la COVID-19. Non, la pandémie n’est pas encore terminée. De nombreux États membres sont confrontés à une nouvelle vague, à cause du variant Delta. Mais aujourd’hui, nous sommes mieux placés que jamais auparavant pour briser cette vague, parce que nos vaccins nous protègent. La vaccination réduit fortement la probabilité de tomber gravement malade de la COVID-19, de devoir être hospitalisé ou de décéder de cette maladie. Et une chose est claire également : aujourd’hui, dans la plupart des pays, les lits des soins intensifs sont majoritairement occupés par des patients non-vaccinés, ou vaccinés en partie seulement. Le lien de cause à effet est manifeste. Dans des pays comme le Portugal ou l’Espagne, par exemple, où de 80% à 90% de la population adulte est vaccinée, le risque de décéder de la COVID-19 était, dans les deux premières semaines de novembre, jusqu’à 30 fois moins élevé que dans les pays où les taux de vaccination sont les plus bas.

Si l’on regarde les taux d’hospitalisation et de décès, on constate qu’on a d’abord affaire à une pandémie des non-vaccinés. C’est pourquoi notre toute première priorité est, et reste, d’accélérer la vaccination. Comme auparavant, l’UE connaît de très fortes disparités. Dans certains États membres, seulement 29% des adultes sont complètement vaccinés, contre 92% dans d’autres. Nous devons mieux comprendre pourquoi certaines personnes ne sont pas vaccinées. Et nous devons poursuivre avec détermination nos efforts d’explication et d’information. Nous devons nous rendre dans chaque ville, dans chaque village, pour convaincre les gens de se faire vacciner – pour se protéger et pour protéger les autres. En outre, nous avons besoin de doses de rappel pour les personnes déjà vaccinées. Nous avons la chance, en Europe, d’avoir suffisamment de vaccins.

Vous vous rappellerez que dès l’été dernier, la Commission s’est assurée d’un troisième contrat avec BioNTech-Pfizer, qui permet à présent d’assurer toutes les injections de rappel à l’échelle européenne ainsi que la vaccination des enfants et des adolescents. Tous les États membres y sont partie. Continuons à suivre la science. Les injections de rappel nous permettent de conserver une bonne immunité contre le virus. La vaccination est notre meilleure défense contre la pandémie. D’autres mesures demeurent cependant nécessaires pour freiner la propagation du virus : la distanciation sociale, les masques, le respect des règles d’hygiène – tout cela reste aussi important qu’auparavant.

Je le sais: beaucoup d’entre nous sont las. Mais il ne faut pas l’oublier: la semaine dernière, dans l’Union européenne, ce sont en moyenne 1600 personnes qui sont mortes chaque jour de la COVID-19. Et c’est pourquoi la vaccination et les mesures d’hygiène sont un acte de solidarité. Elles sauvent des vies.

Une autre discussion du Conseil européen a porté sur l’évolution de la situation à notre frontière avec la Biélorussie. Une forme particulièrement cruelle de menace hybride est apparue, avec l’instrumentalisation de personnes par un État à des fins politiques. Il ne s’agit pas d’une affaire bilatérale entre la Pologne, la Lettonie et la Lituanie, d’un côté, et la Biélorussie, de l’autre. C’est toute l’Union européenne qui est mise au défi. L’action a été engagée et organisée par le régime de Loukachenko et ses partisans, qui ont attiré des migrants à la frontière avec la coopération de passeurs et de réseaux criminels.

Lorsque la crise s’est aggravée il y a deux semaines, j’étais en visite aux États-Unis. Naturellement, le comportement scandaleux du régime biélorusse a été au cœur de mes discussions avec le Président Biden. Nous étions tous les deux d’accord: il ne s’agit pas d’une crise migratoire. Il s’agit de la tentative menée par un régime autoritaire pour déstabiliser ses voisins démocratiques. Un régime qui a organisé des élections frauduleuses et qui réprime violemment sa propre population. Un régime que nous ne reconnaissons pas. Ce chantage cynique a eu l’effet exactement contraire à celui recherché: toute l’Europe se tient solidairement unie aux côtés de la Lituanie, de la Pologne et de la Lettonie dans cette affaire. Et l’Europe agit selon quatre axes: un soutien humanitaire; une action diplomatique auprès des pays d’origine; des sanctions contre des personnes et des entités en Biélorussie et contre les transporteurs qui facilitent la traite et le trafic d’êtres humains; la protection des frontières.

Premier point, l’aide humanitaire. Ce que fait le régime de Loukachenko, c’est exploiter des êtres humains en profitant de leurs souffrances et en provoquant des violences et des décès à des fins politiques. Ces personnes sont prises au piège sur le territoire biélorusse du fait du comportement irresponsable du régime de Loukachenko. Elles ont besoin d’aide. C’est pourquoi nous avons immédiatement pris contact avec les agences de l’ONU. Nous avons créé un groupe de contact avec ces agences, avec lesquelles nous sommes en dialogue constant, et nous avons immédiatement mobilisé des fonds pour soutenir leurs efforts sur le terrain.

Deuxième point, notre action diplomatique: là encore, j’ai discuté avec nos amis américains pour aligner nos efforts. Nous sommes convenus que, pour contrer ce comportement, il est important de coordonner nos sanctions et de collaborer avec les pays d’origine des migrants, ainsi qu’avec les compagnies aériennes qui acheminent ces migrants jusqu’à Minsk. C’est ce que nous avons fait, et que nous continuons à faire. Nous sommes engagés dans un processus de coordination de nos sanctions avec les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni. J’ai chargé le vice-président Schinas d’entrer immédiatement en contact avec les principaux pays concernés. Il s’est rendu en Iraq, dans les Émirats arabes unis, au Liban, en Turquie et en Ouzbékistan. Le HR/VP Borrell a convoqué le Conseil « Affaires étrangères » afin d’étendre le régime de sanctions. Et la Commissaire Johansson s’est rendue en Égypte. Je souhaite les remercier pour leur action fructueuse, dont nous voyons déjà les effets. Plusieurs compagnies aériennes et autorités d’aviation civile ont mis fin aux voyages injustifiés à destination de la Biélorussie. En outre, l’Iraq a commencé à rapatrier ses ressortissants bloqués en Biélorussie. Nous nous félicitons de cette excellente coopération avec l’Iraq. Mais de nombreux migrants demeurent cependant pris au piège, et nous allons collaborer avec les agences de l’ONU pour faciliter leur retour chez eux. Nous mobiliserons jusqu’à 3,5 millions d’euros à l’appui des retours volontaires au départ de Biélorussie. Et nous poursuivrons nos efforts et ces actions.

Troisième point, les sanctions. La stratégie de la Biélorussie repose très concrètement sur la complicité des voyagistes et de leurs intermédiaires. Il existe en effet des agences de voyage spécialisées qui proposent des offres tout compris: visas, vols, hôtels et, de manière assez cynique, taxis et bus jusqu’à la frontière. Soyons clairs, ces migrants sont trompés par de fausses promesses infâmes. Nous devons lutter contre cela. C’est pourquoi nous proposons d’établir une liste noire pour tous les moyens et modes de transport, sur la base de la législation internationale sur la traite et le trafic de migrants. La Commission dépose aujourd’hui une proposition législative à cet effet. Cette proposition devra être adoptée en codécision. Mesdames et Messieurs les Députés, je compte sur votre action rapide pour l’adopter au plus vite.

Dernier point, la gestion des frontières. Notre position a toujours été de soutenir nos États membres situés en première ligne, à l’Est comme au Sud. Car c’est ensemble que nous protégeons nos frontières européennes. Nous déployons à l’heure actuelle d’importants efforts. Dans le nouveau budget européen, 6,4 milliards d’euros sont disponibles pour la gestion des frontières. Nous finançons par exemple des équipements comme des technologies de surveillance électronique, des véhicules de patrouille, des équipements destinés aux garde-frontières ou la construction de points de passage frontaliers, mais aussi des images par satellite ou des infrastructures critiques.

En outre, nous dépensons chaque année environ 1 milliard d’euros pour Frontex. Et aujourd’hui, le Collège a décidé de faire encore davantage. Nous proposons de tripler les fonds actuellement affectés à la Lituanie, la Lettonie et la Pologne. Cet ensemble de mesures de sécurité doit permettre de faire face à l’urgence actuelle et souligne notre solidarité avec les États membres situés en première ligne.

Mesdames et Messieurs les Députés,

Les États membres confrontés à une telle attaque hybride doivent être en mesure de répondre efficacement à cette situation d’urgence. Dans le même temps, ils doivent respecter pleinement les droits fondamentaux et les obligations internationales. Ces deux points sont d’une importance cruciale, et nous devons trouver un moyen de les concilier. Nous travaillons par conséquent à une proposition de mesures provisoires d’urgence dans le domaine de l’asile et du retour, sur la base de l’article 78, paragraphe 3, du traité. L’objectif est d’aider les États membres à mettre en place les processus appropriés, pour gérer les arrivées irrégulières de manière rapide et ordonnée, dans le respect des droits fondamentaux.

Mesdames et Messieurs les Députés,

Ce qui s’est passé à la frontière avec la Biélorussie s’inscrit dans un contexte plus large. Les actions récentes du régime de Loukachenko et de ses partisans constituent une tentative déterminée de susciter une crise persistante et prolongée. Je le répète: l’Union européenne ne reconnaît pas ce régime, qui réprime dans la violence son propre peuple. Ces actions font partie d’un effort concerté visant à déstabiliser l’Union européenne et son voisinage, notamment l’Ukraine et la Moldavie. Ces actions représentent un danger réel et actuel pour la sécurité de notre Union. Elles dépassent le cadre biélorusse. Elles mettent à l’épreuve notre résolution et notre unité. Or l’Union européenne a la volonté, l’unité et la résolution pour faire face à cette crise et à de futures crises. Et avec votre aide, Mesdames et Messieurs les députés, nous surmonterons cette épreuve.

Et c’est pourquoi, aujourd’hui, plus que jamais: vive l’Europe!

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